La nuit enveloppe le village de son voile noir.
Une petite bise caresse le toit des chaumières engourdies.
C'est l'hiver qui ralentit la vie et prolonge les soirs.
Les cheminées fument. Il fait doux dans les foyers du pays.

Dans la pièce où règne une lumière blafarde,
Le papi achève son repas fait de potage et de tous petits riens.
A ses pieds, la chatte ronronne et rêve de lait dans la souillarde.
Il est bon d'avoir une compagnie quand on est seul, loin des siens.

La grande cheminée est un spectacle permanent.
C'est une source de vie, de chaleur et de méditation.
Le grand-père y dépose bûches, fagots et sarments.
Jadis il s'y rassemblait devant, avec sa femme et les garçons.

Il s'asseoit près de l'âtre, toujours à la même place.
Et les souvenirs tourbillonnent comme pour taquiner le passé.
Dans le foyer, le bois crépite, les flammes s'enlacent.
Le feu habite la pièce. Le vieillard le fixe, comme s'il rêvait.

Mais l'homme ne rêve pas. Il se souvient de sa douce compagne,
De celle qui pendant plus d'un demi-siècle a partagé sa vie.
Une larme coule sur sa joue. Une douce tristesse le gagne.
A l'automne de sa vie, il appréhende l'hiver et a peur de la nuit.

Le matou est là, blotti sur les chaussons du vieil homme.
Il sommeille, bercé par la chaleur des bûches en feu.
C'est le confident, l'ami, l'indispensable moitié, en somme,
Qui fait que la vie à un sens quand on la partage à deux.

L'aïeul, d'un coup de pincettes, saisit le charbon ardent.
Il allume son mégot qui pend à ses lèvres ridées.
Combien en a t il roulées de ces cigarettes depuis qu'il est enfant ?
Trop, beaucoup trop. Mais à quoi bon aujourd'hui de se priver !

Le papi sait que l'hiver sera long et qu'il y aura d'autres soirs.
Il pourrait partir dans un foyer où passer la mauvaise saison chez ses enfants.
Non, il a décidé ! Il restera dans sa chaumière. Et pas d'histoire !
Qu'on ne vienne pas l'ennuyer ? Il fait fi des conseils et des boniments.

C'est un terrien et ses racines sont dans cette maison.
Chaque objet a une âme. Il témoigne du passé et enrichit le présent.
Mais le pépé sent venir la fatigue et remue les derniers tisons.
Grominet s'étire sans se soucier de la ronde du temps.

Grand-père se lève et nourrit à nouveau le feu.
Dans la chambre froide, il se couche dans ce trop grand lit.
Avec Matou sur les pieds, il va s'endormir, le Vieux.
Et demain, dès le chant du coq, il dira à nouveau merci à la Vie.

Marc GANRY