La nuit noire de décembre envahit peu à peu le village.
Des ténèbres profondes qui isolent les chaumières.
Un soir épais qui pèse sur deux âmes au grand âge.
Un crépuscule rapide pour des cœurs d'avant guerre.
 
L'annonce de la tempête trouble la quiétude des aïeux.
Eux qui ont connu les conflits, la privation et le labeur.
Ils se sentent soudain seuls, petits, fragiles et miséreux.
Ils redoutent les déchaînements du vent et ils ont peur.

Déjà, les premières bourrasques appellent l'ouragan.
Sur la table de chêne, la lampe à pétrole a fière allure.
Les bougies reprennent du métier, comme d'antan.
Mieux vaut prévoir les coups de colère de dame Nature.

Dehors, les arbres ne savent plus où donner la tête.
Leurs corps, assenés de coups, luttent, mais en vain.
Témoins du temps, les voilà vaincus par la tempête.
Leurs cris de douleur résonnent fort dans le lointain

Nuit de vents, nuit d'angoisse, nuit de prières.
Nuit d'impuissance quand les éléments sont en furie.
Nuit fatale pour l'Homme qui redevient primaire.
Nuit de résignation, nuit sans fin, nuit de folie.

Nuit où les consciences s'interpellent sur le beau et le vrai.
Nuit où les technologies affichent leurs faiblesses.
Nuit d'attente pour deux aïeux devant la cheminée.
Nuit où deux cœurs se rapprochent et font des promesses.

Les lueurs des chandelles dansent dans la pénombre.
L'âtre rougi par les braises donne vie à ce décor.
L'amour des deux vieux illumine cette pièce trop sombre.
Tel un îlot de roc dans la grande détresse du dehors.

Puis, quand le jour se devine sur les lignes de l'horizon,
Les déchaînements se taisent pour laisser place au matin.
Viendra l'heure des bilans, des pleurs et des désolations.
Mais chut ! Deux êtres sommeillent devant l'âtre, main dans la main.


Marc GANRY