Matinée de printemps, senteurs des tropiques,
Le petit Paris des Antilles s'éveille ;
Venise tropicale en Martinique,
La perle des Caraïbes se réveille.


Pimpante, au pied de la Montagne Pelée,
Saint-Pierre est capitale en ce jour de mai.
Mais elle a peur. Satan va bientôt parler.
Le volcan gronde. Tout est tonnerre et fumées.

La cité pleure. L'esprit du mal sème le feu.
En ce matin si beau, tout est cendre, tout est noir.
Tout est néant, ce huit mai mil neuf cent deux.
Le cratère vomit la mort, y a plus d'espoir.

Nuée ardente sortie du ventre de l'enfer,
Pour cracher le feu et tuer, encore et encore.
Dieu est impuissant ; Sauveur entend les prières,
Des appels à la vie, dans ce funeste décor.

Visions de génocide, d'apocalypse.
« Messiés, messiés, son plait, sauvé pauv'prisonnier !
Pour l'amour, bon Dié, sauvé moé », crie Cyparis,
Ivrogne au cachot, mais de la mort épargné.

Il croyait au diable, l'artisan Compère.
Le cordonnier, dans le sous-sol, se renferma
Quand les fumerolles prédirent la colère.
Superstition bien placée, puisqu'elle le sauva.

Dans les ruines fumantes, se dresse le fromager,
Affecté dans sa chair par les déchaînements.
Par le feu mutilé, par les ans protégé,
L'arbre est débout, témoin meurtri, mais vivant.

C'était une belle matinée de printemps,
Quand le démon fit d'un paradis un enfer.
Toi, la Pelée qui défie l'Homme et le temps,
Dis pardon à tous les enfants de Saint-Pierre.

Marc GANRY