C'est l'hiver sur le quai de la gare d'Angoulême.
Un froid qui pénètre le corps du jeune homme.
Dans un instant, le train va l'enlever à ceux qu'il aime.
Demain, il sera soldat et portera l'uniforme.

Il fouille dans sa poche et saisit la convocation,
Un simple papier, sans âme, que lui a remis le facteur.
Un écrit vide de sentiments, comme au temps de la mobilisation.
Un papier qui brise les passions et déchire les cœurs.

Destination, l'Alsace, tout près de la frontière Suisse.
Quitter l'être cher, sécher les larmes sur ses joues,
Rassurer maman qui voit s'envoler son dernier fils,
Est-il besoin de souffrir autant et partir loin de tout ?

Les voies ferrées disparaissent dans le lointain.
Le garçon méprise ces rails. Il en veut à la mère Patrie.
Dans quelques minutes, il sera dans ce maudit train,
Puis dans d'autres trains qui le conduiront à Altkirch, via Paris.

Tout près de lui, un militaire en tenue étreint sa fiancée,
De longs baisers pleins de feu, mots de passe pour l'amour.
Le jeune appelé a préféré venir seul attendre sur le quai.
Les embrassades et les câlins, ce sera pour un autre jour.

Le train de Paris, annoncé, fait son entrée en gare.
D'un seul coup, le convoi lui est des plus hostiles.
Il prend place et la gorge serrée, attend le départ.
Il s'en veut de réagir ainsi, comme s'il partait en exil.

Le futur hussard va rejoindre le huitième régiment.
Il va découvrir d'autres épisodes du livre de la Vie.
Et dans un an, quand il reviendra, caporal ou sergent,
Il dira à sa fiancée, maintenant, je suis un homme, ma chérie !



Marc GANRY