Le petit train bleu serpente parmi les champs et les forêts.
On le reconnaît à son ronronnement et à son klaxon quelquefois.
Des jours, il a beaucoup de peine quand ses voitures sont vides de passagers.
Pourquoi est-il mal aimé, pourquoi le fuit-on, de quel droit ?


Il a mal le petit train bleu, car un jour, il disparaîtra peut être.
Il souffre d'être abandonné, lui qui a été tant aimé et si vénéré.
Mais où sont donc toutes ces années où le rail était maître,
Où le chemin de fer était roi, où toutes les gares s'activaient.

Le petit train bleu se souvient de ces belles années d'antan
Où il transportait la vie de ville en bourg et de bourg en village.
Prendre le train était une aubaine pour ces hommes, femmes et enfants.
L'automobile était aux riches et les charrettes peu confortables pour les grands voyages.

Le petit train bleu chantait sa joie quand il arrivait en gare.
Les quais s'animaient, les enfants courraient et les volailles piaillaient.
C'était des cris, des rires, des pleurs, des bonjours et des au revoir.
La locomotive crachait une fumée noire et dans les voitures les voyageurs étaient gais.

Dans les champs, les paysans saluaient le ruban bleu.
Dans les près, les vaches levaient déjà la tête pour lui dire bonjour.
Sur les coteaux verdoyants et sur les ponts aux multiples arcades, on le suivait des yeux.
Quand il sortait de terre, il carillonnait pour saluer le jour.

Mais aujourd'hui, les technologies ont avancé et l'homme se détruit.
L'automobile devient nécessité pour aller plus vite, partout et parer au plus pressé.
L'Homme doit se soumettre s'il veut, contraint et forcé, gagner le pari.
Dans cette course infernale et effrénée, il perd son âme et devient un objet.

Le petit train bleu sait que plus rien ne sera comme avant.
Ses passagers l'abandonnent peu à peu. Les petites gares fleuries se meurent.
Lui aussi, il risque de mourir, c'est écrit dans les contrats plans.
Il n'est plus rentable, lui ce maître qui a transporté tant et tant de voyageurs.

Que peut-il contre les tout puissants adeptes du T.G.V ?
Cette grosse et longue chenille au grand confort qui file en fendant le vent !
Qu'est-il, lui, le train bleu, si petit, trop petit ! Quelle est sa destinée ?
Il va continuer à s'arrêter devant les gares désormais fermées et attendre les clients.

Il ne peut croire que les technocrates sont unanimes pour que sa vie se termine.
Pourquoi toujours sacrifier le petit au grand cœur pour le tout puissant sans âme !
Après les écoles, les commerces, les structures locales, c'est lui qu'on assassine.
Mon Dieu, il faut se ressaisir et éviter que les campagnes deviennent un désert infâme.

Mais le petit train bleu n'est pas du genre à baisser les bras.
S'il le faut, il ira jusqu'à Paris pour dire toute sa douleur.
Et si cela ne suffit pas, dans les villes et les villages, il manifestera.
Il aime son pays, il est issu de sa terre et veut défendre ses valeurs.

Mais il va encore serpenter dans les vallées, le petit train bleu.
Dans ce monde de tourmente, il ne craint ni la tempête, ni l'orage.
Il poursuivra sa mission et transportera, moyennant réductions, les jeunes et les vieux.
Mais il sera toujours présent, le ruban bleu, pour chanter de ville en village.

Marc GANRY