L'homme franchit le seuil du fournil et regarde les cieux.
Dehors la nuit s'achève et l'air est plein de tiédeur.
C'est l'été. Déjà les oiseaux chantent à qui mieux mieux.
Le boulanger est heureux. Il est en forme et plein d'ardeur.

Il sait que la tâche est rude. Il ne craint pas le labeur.
C'est un artiste, un créateur, un faiseur de pains
Il fait le plus beau des métiers et ne compte pas les heures.
C'est sa passion, sa vie. C'est un habitué des petits matins.

Concevoir le pain, cette nourriture tant prisée, quelquefois gaspillée,
Quel honneur pour l'artisan, ce dévoué travailleur.
Son métier, il l'a appris des mains et du savoir de ses aînés.
Il l'assume avec amour. Il pétrit avec la main et façonne avec le cœur.

Notre boulanger, c'est un monsieur dans le village.
Il est le préféré des enfants. Il est le printemps des grands-mères.
Il livre le pain, sans craindre le froid, le soleil ou l'orage.
Un pain délicieux au palais dont la renommée n'est plus à faire.

Dans le fournil, ça sent bon le pain chaud et la farine.
Le pétrin brasse la pâte, douce, onctueuse et vivante au toucher.
C'est un plaisir sans cesse renouvelé pour les narines.
Pour les gourmands, il y a aussi croissants, chocolatines et pains au lait.

Le boulanger découpe la pâte qui s'étire en la levant.
Il pèse, façonne et met sur couches les futurs pains.
Les mouvements sont précis, rythmés et pleins d'allant.
Dans peu de temps, il n'y aura plus de pâte dans le pétrin.

La lourde porte du four s'ouvre sur un tapis de braises.
Les fagots ont bien brûlé et le charbon peut être retiré.
Avec le mazout, le gaz ou l'électricité, notre ouvrier serait plus à l'aise.
Ce sera pour plus tard, peut être. Pour l'heure, il faut cuire la fournée.

Dans le foyer, les pains, petits et gros, prennent une jolie couleur dorée.
La croûte craquelle. Le maître du pain est vigilant. Il veille.
Il connaît bien la cuisson et bientôt il sortira la fournée.
Les pains tout chauds croustilleront et seront disposés dans les corbeilles.

Notre boulanger ne ménage ni son temps, ni sa peine.
Chaque jour que fait le Seigneur, il pétrit la pâte et cuit le pain.
Mais les années de la vie peu à peu s'égrainent.
Il faudra penser un jour, coûte que coûte, à passer la main.

Il y pense, surtout quand le poids des ans se fait trop lourd.
Il pourrait s'économiser en investissant dans des machines.
La quantité, le profit, les congés et le bien-être, c'est comme çà de nos jours.
Tout cela, il le sait. Il veut rester un artiste et non fabriquer un pain d'usine.

C'est vraiment un Monsieur, un personnage, notre boulanger.
Toute la campagne le glorifie, le respecte, ce faiseur, ce porteur de pains.
Combien de fois a-t-il entendu : « C'est du gâteau votre pain », Monsieur VIGE.
La clientèle, elle s'est faite de bouche à oreille, c'est certain.

Si j'écris ce poème et veux rendre hommage à ce beau et noble métier,
C'est pour, à ma façon, dire mon amour et mon affection à celui qui a pris ma main.
Celui qui m'a guidé durant mes jeunes années. Je ne te remercierai jamais assez, Roger.
Merci pour avoir été la source de mon inspiration, toi qui a été, un véritable maître du pain.

Marc GANRY

Illustration : photo d'archives.