En ce matin de décembre, nous accueillons la nouvelle avec bonheur.
Volontaires pour servir sous le soleil des tropiques, nous attendions la décision.
Nous sommes désignés pour servir aux Antilles, en Martinique, surnommée l'île aux fleurs.
Moments de joie, d'impatience, mais aussi de peine et d'émotion.

Depuis longtemps, nous rêvions de cocotiers, de mer bleue et de sable fin.
Nous avions envie de découvrir un autre monde, en quelque sorte besoin d'évasion.
Nous allions connaître d'autres gens, d'autres mœurs, d'autres habitudes, c'est certain.
Mais quelle douce sensation que de partager l'aventure avec les siens.

Attirer naturellement par des latitudes plus chaudes,
Je me suis toujours dit, qu'il serait bien, si, avec mon képi, nous allions dans les îles
Où les verts cocotiers se mirent majestueusement dans la mer émeraude.
Merci, mon Dieu de satisfaire mon rêve, et de permettre à ma famille ce petit exil.

Pourquoi partir si loin disent certains, trois ans, ça compte dans une existence !
Faîtes votre vie, vous avez la jeunesse, nous lancent, le cœur serré, nos parents.
Nos sommes très âgés rétorquent les aïeux, saisissez cette chance.
Quand vous reviendrez, nous voguerons sûrement avec les anges, faute de temps.

Dans nos têtes, nous entendons déjà le bruissement des feuilles dans les palmiers.
Nos regards courent sur les reflets bleus et verts des flots transparents.
Nous sommes envahis par une folle envie d'exotisme, faite de fleurs et parfums vanillés.
Nous avons déjà troqué le froid glacial contre le soleil brûlant.

Dans l'avion qui vole vers cet univers inconnu, les cœurs battent fort.
Ma petite princesse, arrachée aux siens, essuie une larme et pense en silence.
Mais il est trop tard pour avoir des regrets, trop tard pour avoir des remords.
Pour trois ans, l'oiseau du ciel enlève la petite famille des côtes de France.

Le petit enfant est blotti contre sa maman. Il ne comprend pas nos visages défaits.
Il vole entre nuages et insouciance, dans l'azur d'un ciel de vacances.
Son visage de bébé réconforte nos cœurs et apaise notre anxiété.
C'est un rayon de soleil qui vient en aide à des âmes en souffrance.

La main maternelle caresse sa chevelure et les belles boucles blondes.
Les sourires du bambin illuminent de tendresse nos visages de parents.
Demain sera un nouveau jour, sous de nouveaux cieux et dans un autre monde,
Celui de Madinina, l'île aux fleurs, la Martinique, un paradis permanent.

L'avion amorce sa descente et roule sur la piste surchauffée.
A travers les hublots, apparaît un paysage qui contraste avec la nature continentale.
Les portes de la carlingue s'ouvrent. Une lourde chaleur s'abat sur nos corps importés.
Madinina nous accueille et nous enveloppe déjà de son parfum tropical.

Marc GANRY