La vigne pleure au printemps...

 La vigne pleure au printemps...
 « La vigne pleure au printemps », oui cette belle expression poétique signifie que la sève montante vient perler au bout des sarments taillés en automne, mais au printemps il arrive aussi que le vigneron pleure dans sa vigne, pleure sa détresse quand il constate que la gelée est venue lui ravir les jeunes pousses prometteuses de sa vigne.
Les récentes gelées de fin avril ont fait beaucoup de dégâts dans les vignobles français, et particulièrement dans ceux du Grand Sud et du Cognaçais, appauvrissant encore plus nombre de viticulteurs déjà éprouvés par les intempéries ou par la concurrence des vins étrangers. On parle peu de ces gelées ou seulement comme un fait divers. Mon propos ici est de rappeler les drames qu’elles induisent.
Fils de vigneron de la région de Cognac, je me rappelle l’angoisse de mes parents à cette période de l’année et leur effondrement quand à l’aube d’un matin radieux les vignes avaient gelé... "Si nous n'avions pas eu les vaches, c'aurait été la grande misère", vient de me redire ma maman. 
Aujourd’hui les temps ont changé me direz-vous, la précarité a reculé dans les campagnes car les paysans sont devenus des agriculteurs mieux armés contre les impondérables. Eh bien non ! Quand ces gelées sévissent, je considère que le désastre financier est le même et son impact moral fait autant de mal. Je ressens la souffrance de ces agriculteurs comme lorsque j’avais 12-14 ans je ressentais celle de mes parents dans de semblables circonstances.
Mais ma peine est doublée par de la colère, la colère de voir l'indifférence de la société devant cette détresse (et celle du monde rural en général). Pour un viticulteur, les conséquences financières d’une gelée sont les mêmes que pour un salarié sans salaire, sauf que pour ce dernier la société s’en émouvrait beaucoup plus, et que dans le pire des cas il aurait le chômage.
 
Francis Ganry
4/05/2017